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Espionnage chez Renault : la batterie électrique visée
Par Cyrille Pluyette
06/01/2011 | Mise à jour : 10:42
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Des bornes de recharge électrique exposées sur le
stand Renault, lors du Mondial de l'automobile en octobre dernier.
(Crédits photo : Gilles ROLLE/REA)
Trois cadres du groupe, dont un membre du comité de direction, sont soupçonnés d'avoir divulgué à l'extérieur des informations stratégiques sur la voiture électrique, projet phare du groupe. Sur RTL, le ministre de l'Industrie, Eric Besson, juge l'affaire sérieuse.
Les 54.000 salariés français de Renault sont sous le choc. Trois
hauts dirigeants du groupe sont soupçonnés d'avoir divulgué des
informations sur ses futurs véhicules électriques à l'extérieur, selon
des sources internes. Ils ont été mis à pied lundi, a indiqué la
direction, qui a invoqué des «révélations de faits graves nuisant aux
intérêts stratégiques, intellectuels et technologiques de l'entreprise».
Ce jeudi sur RTL,
le ministre de l'industrie, Eric Besson, juge l'affaire «sérieuse» et
affirme que l'expression «guerre économique» est adaptée à cette
situation.
Cette affaire d'espionnage industriel révélée par
l'AFP, dont l'ampleur est inédite chez Renault, fait figure de séisme.
L'une des personnes mises en cause siège au comité de direction du
groupe, qui compte vingt-sept membres et est présidé par Carlos Ghosn,
le PDG. Il s'agit, selon plusieurs sources, de Michel Balthazard,
directeur de la division «amont, projets et prestations», entré chez
Renault il y a trente ans. L'un de ses subordonnés, directeur des
avant-projets véhicules, a aussi été incriminé et mis à pied. Cette
direction se situe au cœur de la stratégie du groupe, puisqu'elle est
chargée de réfléchir aux futurs véhicules, dont les voitures
électriques.
Le troisième cadre impliqué est rattaché à une
division tout aussi sensible, celle «du plan, du produit et des
programmes». À la différence des deux autres, il travaillait
exclusivement sur les véhicules électriques, comme adjoint du directeur
de ce projet.
Fait inédit dans ce genre d'affaire, les trois
personnes suspectées ont été mises à pied le même jour. Tout porte donc à
croire qu'elles ont opéré de façon concertée. Il pourrait alors s'agir
d'un système organisé de vente d'informations à l'extérieur. Reste à
savoir à qui et pour quel motif. Un industriel proche de Renault avance
deux pistes. Un concurrent ou un fournisseur pourrait avoir été
intéressé par l'état d'avancement de Renault-Nissan dans le
développement de sa batterie électrique. Autre piste : obtenir des
informations sur le moteur électrique en développement.
Pas de plainte déposée
Les
faits reprochés aux trois cadres de Renault remontent à cet été. Fin
août 2010, une «alerte éthique» a été portée à la connaissance du comité
de déontologie de Renault, explique le constructeur. «L'investigation
qui a suivi a conduit à une mise à pied conservatoire» de ces personnes
en début de semaine. Ces cadres ont été sommés lundi de quitter sur le
champ leur bureau. Une mise à pied conservatoire permet à une entreprise
d'écarter un salarié représentant un risque pour son fonctionnement,
dans l'attente d'une sanction disciplinaire. Le groupe n'a pour
l'instant pas porté plainte.
«Nous avons l'impression que c'est
un cauchemar et que l'on va se réveiller», confie un salarié. Cette
histoire est d'autant plus traumatisante que le véhicule électrique est
le projet phare du groupe, grâce auquel - avec son allié Nissan -
Renault veut créer une rupture similaire à ce qu'avait réussi Toyota
avec sa Prius hybride. Renault-Nissan souhaite devenir le leader mondial
de l'électrique, qui représentera selon lui 10 % des ventes mondiales
en 2020. Au total, le groupe a investi 4 milliards d'euros sur ce
programme. Renault lancera quatre véhicules électriques sur la période
2011-2012 : l'utilitaire Kangoo, la berline familiale Fluence, la
compacte Zoé et le quadricycle Twizy.
L'industrie automobile est
pourtant réputée être l'une des plus secrètes, tant les ventes dépendent
des avancées technologiques. PSA Peugeot Citroën et Renault sont
d'ailleurs les premiers déposants de brevets en France, avec
respectivement 1 265 et 906 enregistrés en 2009. D'ores et déjà, plus de
200 brevets ont été déposés par Renault ou sont en cours d'examen sur
le seul véhicule électrique. Près de 1 700 ingénieurs travailleront
cette année sur ce projet au Technocentre de Guyancourt.
La
batterie électrique est l'un des domaines les plus sensibles. Nissan a
formé une coentreprise avec le japonais NEC pour développer et fabriquer
ce composant clé, qui fait l'objet d'une bataille mondiale.
Renault-Nissan mène la course avec 1,5 milliard d'euros investis sur sa
batterie, devant ses concurrents chinois, coréens, américains, japonais
et allemands, selon le cabinet Roland Berger. Le franco-japonais vise
une capacité de production de 500 000 voitures et batteries électriques
par an en 2013.
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